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Monsieur P. R.
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44xxx Région de St Nazaire
le 10 juin 2006
J’ai travaillé à Mindin de 199* à fin
199*.
Je suis éducateur spécialisé.
J’ai connu l’ancien système avant que les quatre
établissements soient créés.
J’ai donc travaillé aux **********, qu’est
devenu ensuite **********, c'est-à-dire un service,
où vivaient des personnes les moins atteintes.
Quand je suis arrivé à Mindin, je ne connaissais
pas les malades psys. Avant cela, j’avais travaillé
avec des délinquants, où il fallait aller vite et
réagir de façon rapide. Ils nous boostaient. A Mindin
c’était l’inverse, les malades étaient
souvent chronicisés, certains étaient là depuis
très longtemps. Il y avait même du personnel, qui était
né à Mindin. C’était sclérosé
et impossible à remuer. Il fallait les secouer en permanence.
Les méthodes de l’époque étaient assez
fermes, d’ailleurs c’était commun à tous,
les établissements. Il arrivait qu’il existe des remises
à l’ordre, c’est vrai.
Je savais un peu ce qui se passait dans les autres services, parce
que les choses se transmettaient de pavillons en pavillons. Tout
le monde nous enviait et beaucoup de gens auraient voulu venir travailler
chez nous. Il y avait moins de travail physique, pas de changes
à faire, les résidents s’alimentaient seuls.
Oui, c’était un pavillon envié. Le chef de service
était un infirmier psy. Le personnel n’était
pas qualifié. Il n’y avait pas d’éducatif.
Le personnel aussi était dans sa routine et chronicisé.
Il ne s’attendait pas à ce genre d’évolution.
J’ai du être un des premiers éducateurs spécialisé
embauché à Mindin (en 199*). Il y avait des AMP (Aide
Médico Psychiatrique), des Aides Soignants et surtout des
personnes sans qualification.
Les pavillons étaient vétustes, les chefs de services
avaient tendance à choisir leur personnel, qui était
en grande partie féminin. Dans les services, où ils
y avaient des personnes qui s’auto-mutilaient, on attachait
les malades, là-bas le travail était pénible.
Le mélange entre les résidents était mal géré.
Il y avait un mélange entre des personnes fortes et des personnes
faibles. J’ai eu Gwenvaël dans mon service, et lui il
était plus faible. C’était un de nos jeunes
adultes, qui n’avait pas beaucoup de défenses. On essayait
de le surveiller, il avait faim en permanence. On passait notre
temps à l’empêcher de manger. Il était
la proie des autres c’est sur !
L’incident avec lui s’est produit au moment, où
je travaillais à Mindin. Sa mère venait le chercher
le week end régulièrement. Madame Sainson nous a alertés
sur les faits, et cela a été quasiment couvert par
l’établissement. Il y a bien eu un défaut de
surveillance de notre part. Ils ont voulu étouffer l’affaire.
C’était comme ça à l’époque,
Mindin n’a pas voulu assumer ses responsabilités.
Il faut rappeler qu’il n’y avait pas beaucoup de personnes
qualifiées. Le mélange des malades ne facilitait pas
les choses. Les conditions matérielles n’étaient
pas bonnes. Mindin a beaucoup tardé à mettre en place
de l’éducatif, on en était encore au médical
psychiatrique, on croyait à la médication et au pouvoir
médical. C’est cette absence complète d’éducatif,
qui m’a marqué et pourtant j’étais bien
loti dans les pavillons, où j’ai exercé mon
métier. Je crois que c’était difficile à
vivre dans certains pavillons. L’enfermement était
encouragé par l’inertie du système Mindin. Rien
n’était conçu pour faire évoluer les
gens, dont on s’occupait. Après cela a été
mieux, il me semble. On avait des personnes, qui étaient
là depuis trente ans. Je me souviens d’une personne
en particulier, qui avait passé toute sa vie à Mindin.
Il y avait du personnel, qui était logé sur place,
des enfants sont nés à Mindin et y sont restés
pour travailler toute leur carrière. L’enfermement
cachait la misère. C’était en partie une sorte
de mouroir, puisqu’une fois entré à Mindin,
on n’en sortait pas. Peu de malades quittaient Mindin. Après
un tout ce temps passé dans cet établissement, il
était impossible de vivre ailleurs et seul.
La visite de Georgina Dufoix, Ministre de la Santé, a marqué
la vie de Mindin, elle a dit qu’il fallait changer les choses.
Ensuite, il y a eu des réunions avec Claude Evin dans son
bureau à St Nazaire, qui a demandé aux syndicats de
lui expliquer comment cela fonctionnait. Il nous a entendus, il
me semble. J’étais délégué du
personnel à ce moment là.
C’est grâce à cela que Mindin a évolué,
sans doute que les demandes des parents ont joué aussi. Mais,
l’établissement lui-même freinait de tout son
poids. On ne dénonce pas, on cache et on perdure en l’état
avec sa routine …
Il y avait trop de mauvais traitements, trop de maltraitance. Elle
était due à l’enfermement et aux anciennes méthodes,
c'est-à-dire l’absence d’éducatif. Rien
ne devait filtrer à l’extérieur. Par exemple,
pour l’activité syndicale ce n’était pas
facile. On se mettait d’accord tous les syndicats ensemble
pour pouvoir distribuer un matin un tract à l’entrée
de Mindin. Les syndicats étaient d’accord pour faire
avancer les choses.
A Mindin, l’autarcie était complète, il y avait
le médical sur place, la chapelle, la trésorerie pour
l’argent et les tutelles, une cafétéria et le
reste … Tout était conçu en interne. Il n’y
avait ni sorties, ni tentatives d’intégration dans
la vie normale.
Le manque de personnel qualifié était criant, de
plus, pour eux, il y avait toujours des dossiers à étudier,
puisque les prix de journée sont fixés selon le degré
de handicap. Le regroupement par catégories de malades était
mis en place pour des raisons tarifaires, pas pour des raisons thérapeutiques.
Le personnel était attribué pour les mêmes raisons.
Là où j’étais, il n’y avait pas
trop de médicaments. Certains en avaient et depuis longtemps.
Je ne suis pas contre les médicaments, quand il y a une nécessité.
Mais, pour certains résidents, les changements ne se voyaient
pas, c’était sans doutes des médicaments stabilisateurs.
Le psychiatre ne voyait pas forcément les malades, c’était
l’infirmier psy chef de service, qui suivait la personne.
La pharmacie était gérée en interne y compris
dans les pavillons.
Les moyens humains étaient insuffisants. Le but était
que les résidents soient calmes, posés, stabilisés.
Le but n’était pas qu’ils s’en sortent
ou qu’ils sortent de Mindin. Leur évolution n’était
pas à l’ordre du jour. Une fois stabilisés,
ils ne réclament plus rien.
En gros, on peut dire que c’est une sorte de stockage. Pour
les cas les plus lourds, on les enfermait et on essayait qu’ils
restent tranquilles avec le moins de casse possible. Le but n’était
pas de les faire sortir.
Il y avait une école d’AMP (Aide Médico Psychiatrique)
en interne à Mindin, le personnel était alors parfaitement
adapté au système Mindin.
Oui je suis content d’avoir quitté Mindin même
si j’allais travailler sans appréhension. J’avais
des bons rapports avec les résidents et mes collègues.
Mais, je sais que ce n’était pas le cas de tout le
monde. Il y avait des rivalités, des soumissions, de la dépendance.
Beaucoup de gens travaillant là-bas avaient peur de devoir
aller travailler dans un service plus dur que le leur, où
il y aurait eu plus de travail ou dans un service, où ils
auraient été dépassés sur le plan de
la qualification professionnelle.
Hormis mon chef de service, je n’ai jamais eu à faire
avec la direction. Il n’y avait pas de réunion de personnel
entre nous pour le suivi des résidents ou pour parler de
nos problèmes. Il y avait une réunion par mois avec
le chef de service du pavillon, c’est tout. L’organisation
était imposée, tout était parachuté
et après celui qui voulait, comme moi, faisait ce qu’il
pensait devoir faire. Il n’y avait pas de vie interne, ni
sur la progression des résidents ou sur les moyens qu’ils
aillent mieux.
On ne pouvait pas faire remonter les choses à la Direction.
On voyait le chef du personnel deux minutes par an pour la notation.
C’est cela qui déterminait l’argent qu’on
gagnait. Il n’était pas question du contenu du travail.
Il n’y avait pas de bilan, pas de formation, les employés
cachaient leurs notes. Il n’y avait pas de vie collective,
peu de syndiqués, tout était bureaucratique. Cette
inertie bloquait toute évolution. Pour organiser quelque
chose, il fallait s’y prendre au moins six mois à l’avance.
Réserver un véhicule, un mini bus c’était
toute une affaire et très difficile. Cette force d’inertie
décourageait toute initiative. La pesanteur fonctionnait
avec un personnel lui aussi chronicisé. Peu d’employés
avaient un diplôme. L’établissement savait se
couvrir avec de la bureaucratie, des procédures ou des protocoles,
une bonne façon de ne pas bouger.
Témoignage recueilli par Philippe Coutant et vérifié
par Monsieur P. R.
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