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Origine : http://www.lalettrealulu.com/index.php?action=article&id_article=485341&preaction=nl&id=890471&idnl=15722&
Quand la vie du centre de Mindin s'étale au tribunal, les juges
ne prennent pas de cacahuètes.
« Allez, un dernier apéro avant de refiler leurs médocs aux neuneus
! »
Aide médico-psychologique, Chantal a dénoncé les brimades subies
par les résidants de la maison départementale de Mindin, l'établissement
qui accueille les handicapés les plus lourds du département §
, rebaptisé «établissement psycho médico social Le Littoral».
Chantal a aussi pointé du doigt les apéros où le personnel s'alcoolise
devant des malades privés de pastaga, avant de leur administrer
les doses de médicaments avec le risque d'un coup dans les carreaux.
Chantal a subi blâmes, rétrogradations, et plus de changements de
services que d'années de présence dans la boîte. De fait, elle est
en arrêt maladie prolongé. Sa direction tente de la décrédibiliser
en évoquant son «mal-être», ses «problèmes relationnels
et de comportement». Le vieux truc du chien qu'on accuse d'avoir
la rage pour s'en débarrasser. À l'audience du 29 juin, l'avocate
de l'établissement reconnaît que les maltraitances existent bien
entre résidants. Pour le reste, Me Morvant-Vilatte utilise le mot
«dysfonctionnement», pour dire aussitôt qu'il n'y en jamais
eu: «Si c'était vrai, ce serait de notoriété publique».
L'horreur n'a jamais existé, et en plus c'est du passé, il faut
tenir compte de l'évolution: tel est le message paradoxal tenu par
la maison départementale de Mindin qui a collé un procès pour diffamation
à cette salariée et à un animateur bénévole de la radio Alternantes
qui lui a donné la parole. Le procureur concède qu'il y a une «ambiguïté
entre le passé où il s'est passé des choses, et le présent et les
efforts manifestes». Il a fallu attendre janvier 2005 pour
qu'en cas de violence dans un service, un protocole d'intervention
soit instauré. Huit ans avant, un résidant, Gwenvaël, a été violé
par un autre pensionnaire. La même année, Sébastien, 30 ans, handicapé
psychomoteur, sourd-muet et aveugle a été gravement brûlé au troisième
degré, laissé seul dans son bain, avec un robinet d'eau chaude ouvert.
Le personnel est débordé, quatre agents pour 23 résidants lourds
d'un pavillon. Malgré plusieurs greffes de peau, Sébastien est mort
peu de temps après. L'établissement de Mindin a été condamné en
2003 à verser 11 000 Euros à la famille de Sébastien. Les juges
relèvent de lourds dysfonctionnements,
«des locaux vétustes dotés d'équipement souvent inadaptés»,
ajoutant que «la présence d'un personnel suffisant aurait permis
d'éviter» l'accident.
Un rapport du sénat de juin 2003 § § sur la maltraitance
envers les handicapés met en cause des formations notoirement insuffisantes
du personnel, la loi du silence en vigueur, le «laisser-faire»
des établissements couvert par les autorités de tutelle, les procédures
d'inspection assoupies, les lacunes de contrôles par les Ddass et
le rôle des syndicats préférant ne pas faire de vague pour éviter
qu'on ne ferme les établissements. Un rapport de la Ddass note qu'en
2000, 363 faits de violence ont été consignés par l'établissement
de Mindin, quasiment un par jour, chiffre réduit à 120 de janvier
à mi-novembre 2005, date de l'enquête, soit quand même plus de 11
faits par mois. «Ce qui reste inacceptable», note Me Maillet,
l'avocat de la salariée. Alertée, la Ddass a mené une enquête, expédiée
en un jour auprès de seuls membres du cercle de la direction. Conclusion:
tout va bien.
«La Ddass participe de la loi du silence et couvre les faits»,
dit Me Maillet.
Hospice, silence !
Malgré une enquête éclair auprès d'un public choisi qui doit confirmer
que tout baigne, le rapport doit pourtant constater les problèmes
d'alcool évoqué par Chantal. Ces apéros sont qualifiés de «moments
festifs». À la santé des euphémismes ! Même si, pour l'exemple,
on fait mieux. Les handicapés sont nourris aux médicaments, évidemment
incompatibles avec le picton. Voyant les soignants se pochetronner
allègrement, ils pourraient penser que c'est aussi bon pour eux.
Sans parler du risque de se tromper dans les médocs et les doses
administrées avec un coup dans le nez. Un autre rapport charge aussi
l'établissement : l'inspection générale de la pharmacie a repéré
qu'une fois absent, le pharmacien titulaire de la maison n'a pas
été remplacé. Les cachets ont donc été supervisés par un pékin sans
titre. Exercice illégal de la pharmacie, ça s'appelle. Et le «cahier
des substances vénéneuses» qui, pour éviter l'évaporation et
les marchés parallèles, fait l'inventaire des trucs comme morphine,
opiacés et autres machins, n'est pas tenu correctement.
La direction, les syndicats, les familles, tous ont intérêt à ce
qu'aucune mise en cause ne perturbe la carrière, ne risque fermetures
de lits, licenciements, ou retour à la maison de l'handicapé lourdingue.
Me Trébern, qui défend Philippe l'animateur d'Alternantes, explicite
l'omerta: pression sur les victimes, chantage sur les familles,
silence des professionnels. Il ajoute que la non-dénonciation de
maltraitance est un délit puni de trois ans de prison. Il veut fâcher
les blouses blanches de Mindin avec leurs fournisseurs de pastaga
ou quoi ?
Michel Foucade
§ « Le
paradis des neuneus », Lulu n° 26, décembre 99
§ "
Départe-mental. Ambiance crayon-feutrée à Mindin" La
Lettre à Lulu N°26-Déc 99
§ § Rapport
du sénat en ligne
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